Injustement méconnue en France – on peut la découvrir sous les traits de Nicole Kidman dans le film Hemingway & Gellhorn –, Martha Gellhorn (1908-1998) a couvert les plus grands conflits du XXe siècle, dont les récits sont rassemblés dans La Guerre de face. C’est la première fois que l’ouvrage, publié en 1959 et réédité à plusieurs reprises, paraît en français. Et il était temps pour nous de savourer ces écrits ! En 1936, à 28 ans, elle fait ses premiers pas en tant que reporter et part couvrir la guerre d’Espagne au côté de Hemingway, rencontré quelques mois plus tôt. C’est le choc pour cette jeune femme
issue de la bonne société de Saint Louis (Missouri) ; c’est durant cette guerre, qu’elle détestera toute sa vie, qu’elle attrape le virus du reportage. Elle épouse Hemingway en 1940. De l’ascension de Hitler au débarquement de Normandie, elle couvre toute la Seconde Guerre mondiale, s’attirant les reproches de son mari. « Tu es une correspondante de guerre sur le front ou une épouse dans mon lit ? » lui lance-t-il en 1943 alors qu’elle part sur le front italien suivre l’avancée de l’armée américaine. Ne pouvant supporter de rester dans l’ombre du « grand homme », Martha Gellhorn divorce en 1945 et poursuit son chemin. Cette « voyageuse des guerres », comme elle se définissait, a sillonné tous les endroits du monde où l’on se battait : de l’Espagne au Vietnam (« La seule guerre que j’ai couverte en étant du mauvais côté », écrit Martha Gellhorn), d’Israël à l’Amérique centrale, elle va devenir l’un des meilleurs reporters de sa génération et une grande figure de la presse américaine. Cette baroudeuse, en avance sur son temps, a changé la face du reportage de guerre, faisant preuve dans ses articles d’une pro- fonde empathie pour les victimes et les populations. Journaliste engagée, femme de convictions, elle resta toute sa vie fidèle à ses idéaux républicains. Devenue presque aveugle, luttant contre un cancer, Martha Gellhorn se suicide à Londres en 1998, à l’âge de 89 ans.
La Guerre de face, de Martha Gellhorn, traduit de l’américain par Pierre Guglielmina.
Éd. Les Belles Lettres, 506 pages, 23 euros.
Publié dans Causette #62 – Décembre 2015