Un beau jour, Hitler, en uniforme, se réveille dans un terrain vague, ne comprend pas trop où il se trouve ni pourquoi, mais remarque qu’il n’y aucun bombardement ni avion ennemi au-dessus de sa tête. C’est normal, on est en 2011. Il va le découvrir un peu plus tard. Tout comme son suicide. Et aussi ce que sont devenus Göring, Himmler, Eva Braun et toute la bande, ainsi que son Reich, un État fédéral dont «la direction […] revenait, selon toute apparence, à une femme appelée “chancelière fédérale”».
Tandis que le lecteur pressent un homme redoutablement intelligent et déterminé, ceux qui croisent Hitler, eux, le trouvent top : il fait trop trop bien le Führer, « encore mieux que Bruno Ganz dans La Chute». Une équipe de télé lui met le grappin dessus et lui confie une émission humoristique. Hitler fait sa propagande, et tout le monde rigole ! Il fait un carton ! Il est surnommé «le fou de Youtube» et «fait du click», comme on dit aujourd’hui. Pendant qu’on se gondole, Hitler repère dans les nouvelles technologies les moyens de propagande fort raffinés qui lui ont manqué. Il va faire un tour chez les néonazis, à qui il sert une belle avoinée pour le laisser-aller qui règne dans son parti. Car Hitler en est sûr : s’il est revenu, c’est qu’il doit terminer sa mission. Et, hélas, il semblerait bien qu’il y parvienne…
Ce premier roman de l’Allemand Timur Vermes (né à Nurem- berg de mère allemande et de père juif hongrois) est désopi- lant grâce aux quiproquos et aux anachronismes. Mais s’il s’est aussi bien vendu en Allemagne (où plus de 1,5 million d’exemplaires ont été écoulés), c’est sans doute qu’il porte en lui le poison et l’antidote. Ne jamais perdre de vue que tout peut toujours recommencer. La preuve en près de quatre cents pages.
Il est de retour, de Timur Vermes. Traduit de l’allemand par Pierre Deshusses. Magnifique couverture de Johannes Wiebel, Punch Design, Munich. Éd. Belfond, 390 p., 19,33 euros (comme par hasard!).
Publié dans Causette #49 – Octobre 2014
Liliane Roudière 