BHL : la vérité, j’te jure !

My sweet love ! Tu as entendu mon appel de l’été dernier 1 ! T’as enfin arrêté de jouer à la guerre ! Je ne sais pas si c’est par amour pour moi ou par dépit. Ça a quand même bien dû te dég’ de voir comment ça virait, en Libye. Pff ! Ils ne savent pas se tenir, quand je pense que t’as risqué ta vie et tes mocassins en daim pour ce pays ! Petite consolation : tu as été élu citoyen d’honneur de Sarajevo. Je crois que ce n’est pas en Libye, mais ça fait toujours plaisir, hein ?

À ceux qui te raillent et qui se disent : « Il en est où de sa croisade, le BHL ? Il est pas en Syrie ? Pas en Égypte ? » Et vas-y qu’« il a la pétoche » ou « il fait moins le malin, hein ? » À tous ceux-là, d’abord, je me retiens de leur cracher dans leurs faces de bâtards ; ensuite, je leur apprends qu’en deux ans de soldat de la paix tu es devenu commissaire ! Eh oui, messieurs-dames, mon Bernard a encore fait pétarader son jet : il est allé aux quatre coins du monde pour réunir, à Saint-Paul-de-Vence (il sait recevoir), 126 tableaux en une expo qui s’appelle LES AVENTURES DE LA VÉRITÉ ! ’Tain, que c’est beau !  Bernardo a encore marché sur l’eau, le voilà qui vient une nouvelle fois délivrer l’humanité d’un fardeau. Question vérité, je veux dire.

Depuis deux mille ans, y avait que trois hypothèses sur la vérité (c’est lui qui le dit, parce que moi…) : la platonicienne, la nietzschéenne et l’hégélienne. C’est vrai qu’on s’emmerdait un peu, le soir, au bistrot ! Mais toi, grand fou, t’as pigé un truc, tu as eu la révélation de la quatrième voie : tu l’as baptisée – bien modestement et à ton image – la « messianique » ! Ça y est, j’ai encore la chair de poule. C’est l’émotion. Ça m’en troue les fesses. Bernard, ça me fait ça. Mais rien à faire, ça ricane, ça ricane. Même Jean-Pierre Elkabbach 2 t’a glissé une peau de banane à propos de cette oeuvre « rarement exposée » de Rothko. Je sais pas où tu l’as trouvée, mais franchement je suis d’accord avec toi, ça pose question !

Au début, j’ai pensé qu’Ikea faisait la promo pour ses lavis de différentes couleurs. Après j’ai eu un peu honte. J’ai lu ton texte de présentation dans le catalogue de l’expo : « Ce tableau […] est un tableau pensée. Un tableau messie. Un tableau où la pensée juive apparaît comme l’alternative à la prétention hégélienne de fermer les bans de l’aventure humaine. » C’est sûr, après, on le regarde plus pareil. Et vous savez ce qu’il a dit, l’homme aux affreux sourcils noirs, en ricanant ? « Mais en quoi c’est la pensée juive, ça ?! » Roooh, t’étais pas content ! D’habitude, vous êtes potes, je sais pas ce qui lui a pris à ce… je n’ai pas de mots. Tu t’es justifié, comme un coupable (j’ai eu mal !) : « C’est un tableau comme un temple. Un temple au double sens […]. C’est un tableau qui est comme un accueil à la sainteté. » Ben oui, quoi, franchement, il la voit pas, la bande de Gaza ? Flûte alors ! C’est pourtant clair ! Tiens bon, mon grand. Tu le sais que c’est le sort des dieux d’être mis au ban des hommes ! Je suis là, tu m’oublies pas, hein ! Je me suis mise à l’aquarelle : tu viendras les voir. Y en a une qui s’appelle Ma pensée, mon messie. Je te l’ai dédicacée à l’encre de mes yeux.

Illustration : Besse

Publié dans Causette #38 – Septembre 2013

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