Denis Robert fait des affaires

L’an dernier, le journaliste déclarait qu’il ne ferait plus d’« intervention publique à propos de Clearstream » : « J’ai pris la décision de refuser toute interview liée à la chambre de compensation luxembourgeoise. […] Je jette l’éponge. » Pas tant que ça…

Rappel très rapide des faits (sinon il y en a pour des semaines) : le journaliste Denis Robert a osé, grâce à des livres, des documentaires et des années d’investigations,
s’attaquer à Clearstream, chambre de compensation luxembourgeoise, en affirmant qu’elle blanchissait de l’argent sale. Mal lui en a pris ! La banque, outrée – et qui a tout de même préféré remercier la direction de Clearstream à l’époque pour « calmer les esprits » –, va s’acharner sur Denis Robert en lui collant procès sur procès, et ce pendant huit ans. Il a reçu plus de deux cents visites d’huissiers, a dû payer une belle note d’avocat pour assurer sa défense, et est sous contrôle judiciaire. De plus, si de très nombreux journalistes et artistes l’ont épaulé via un comité de soutien et des concerts en sa faveur, les patrons de presse, dans leur grande majorité, ont fait les délicats : « Mouais, peut-être que… mais quand même… et puis ce n’est pas certain… y’a une erreur, il affabule…» Denis Robert a dû se battre dans une sorte de désert médiatique.

Il décide donc, après plusieurs années de lutte, à bout de fatigue, déprimé et ruiné, de se taire : le 16 juin 2008, sur son blog, il annonce qu’il « jette » l’éponge. Clearstream répondra via une page de pub achetée dans Le Monde (sic !), le 24 octobre. Chacun ses armes. A présent, on découvre, sous le journaliste d’investigation, un créateur, un artiste. On le savait déjà auteur de nombreux romans et essais, amoureux des mots, mais il se tourne à présent vers l’art contemporain, de la peinture, des installations. Et quel sera son matériau favori, hein ? L’affaire Clearstream, évidemment ! Il va regrouper, découper, taillader, coller sur de grandes toiles la liste des vrais-faux fichiers, les convocations d’huissiers, les notes, les interviews… Puis il les taggue. Efficace.
Sur l’un des tableaux, on peut lire en surimpression rouge sang « je ne dirai plus de mal de l’affaire Clearstream ». Denis Robert avait dit qu’il se tairait, pas qu’il n’en parlerait plus ! Une façon particulière et audacieuse de respecter son vœu de silence. L’ironie de cette conversion, la grosse poilade de l’histoire, le super pied-de-nez, c’est que ça se vend comme des petits pains ! Il est à présent très hype d’avoir un tableau de Denis Robert accroché dans son salon. De nombreux financiers célèbres, la chambre des huissiers (ils ne manquent pas d’humour, ceux-là !), des personnalités des médias et de la com’ en sont déjà propriétaires… La presse – un peu péteuse ? – ne tarit pas d’éloges sur le nouveau Denis Robert, artiste contemporain dont la cote monte en flèche : les prix de ses tableaux grimpent jusqu’à 10000 euros, même si la moyenne tourne autour de 3 000. Jolie revanche, sonnante et trébuchante. Depuis, Denis Robert va mieux et dit qu’il se sentira enfin libre quand il aura « été innocenté dans le procès Clearstream ». Ce qui semble être bien parti.

Il comparaît en tant qu’accusé, pour recel des fameux listings. En gros, on lui reproche d’avoir fait son métier de journaliste en obtenant si ce n’est des preuves, du moins des pièces à conviction. Et, pendant le procès, l’exposition continue à la galerie W, qui devant le succès rencontré l’a prolongée jusqu’au 18 novembre !

Galerie W, 44, rue Lepic, Paris XVIIIe. galeriew.com Tél. : 01 42 54 80

Publié dans Causette #5 – Novembre/Décembre 2009

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