Comment dire ? J’ai vu, l’autre jour, un reportage à la télé qui montrait les cadeaux que recevaient par dizaines journalistes et rédactrices en chef dans la presse féminine. Des tubes de rouge à lèvres, des pots de crème rajeunissante, régénérante, désincrustante, nourrissante à base d’or, de placenta, d’orties ou de… je ne me rappelle plus. Des mascaras pour un regard ténébreux, des gloss, des shampooings, des laques, des bijoux, des étoles, des parfums, sans oublier tous les anticellulite de la terre en capsules, en crème, en patchs… ciblés ventre, cuisses, fesses… C’est un beau métier, journaliste dans la presse féminine. Alors, je suis un peu triste, vous savez ! Parce qu’à moi on ne m’offre rien ou alors des trucs bizarres. Quelle image a-t-on de moi ? C’est pas que je sois bégueule, mais, bon, je me pose des questions. Dois-je rappeler que je suis un magazine féminin ?
Pourquoi, moi, je n’ai reçu qu’une boîte de sardines ; un plateau à fromages avec plein de couteaux, estampillé « Causette, une femme affinée » ; une pinte à bière au slogan personnalisé : « Causette, une femme extraordinaire » ; de la farine bio (au passage, elle se périmait dans la semaine, j’ai dû la jeter à cause des souris) ; des serviettes hygiéniques au thym (dois-je commenter ?) ; des bouteilles de Suze (qui, dans l’équipe, est la taupe qui a révélé mon addiction ?) avec de quoi m’habiller pour boire pépère : chaussettes de la marque assorties à un pull beigeasse avec Suze écrit en gros (fashion victim !) ; un tee-shirt me conseillant de laver mon linge à 30 degrés, un sex-toy avec télécommande (que j’ai gardée, hé, hé !) ; une tétine pour bébé… Et ça ne s’arrange pas : je viens de recevoir des rillettes au thon !
Alors, je le dis haut et fort à tous les groupes de luxe, aux parfumeurs, aux grandes marques de vêtements, aux célèbres alcooliers à bulles : Causette est une femme comme une autre, gracieuse, élégante, drôle, piquante et modeste, avec quelques rondeurs, qui aime prendre soin d’elle, et pas une pochetronne en pull et chaussettes qui rote de la sardine en bouffant du fromage tout en descendant une pinte de Suze et qui s’endort une tototte dans la bouche !
Oui, je sais, c’est pas bien d’accepter des cadeaux quand on est journaliste, mais bon, hein, moi, des fois, j’aimerais bien me compromettre !
Publié dans Causette #45 – mai 2014